Les Kergallen - Tome 1 : Thaïs - Aurore Aylin

Un coup de sonnette la fit sursauter. Sa bonne humeur s'envola quand elle découvrit qui l'attendait à la porte : Laura. Un peu pâle, les yeux cernés, elle avait bien plus mauvaise mine que la fiancée trahie, songea Thaïs avec une certaine satisfaction. Les vestiges de son rêve toujours bien présents dans sa mémoire, elle décida de se montrer magnanime.
— Ah Laura, j'ai failli ne pas te reconnaître habillée.
Pas trop magnanime, quand même. Laura eut la bonne grâce de rougir.
— Thaïs, je suis si désolée, commença-t-elle d'une voix tremblante, les yeux humides.
— Pourquoi ?
— Tu sais bien.... murmura Laura, au supplice.
— Non, pas vraiment.
— Tu es cruelle, grinça Laura.
— Non, pas vraiment, répéta Thaïs. Si j'étais cruelle, je te dirais que tu m'as rendu un fier service, que Anthony n'est vraiment pas un homme pour qui une femme a envie de se battre, et que maintenant que vous n'avez plus l'excitation des rencontres secrètes, tu vas t'ennuyer à mourir au lit. Mais comme je ne suis pas cruelle, je te souhaite beaucoup de bonheur avec lui.
Elle claqua la porte sur le visage stupéfait de Laura. Un large sourire illumina celui de Thaïs : elle avait pensé et savouré chaque mot de son petit discours. Et elle se sentait soudain l'envie de faire encore un peu de ménage. Anthony avait pris toutes ses affaires, y compris ses précieuses chaussures. Se mordant la lèvre inférieure pour ne pas rire, Thaïs se précipita dans la salle de bain et vida le panier de linge sale : ce cher Tony n'avait jamais été un homme d'intérieur, sans doute croyait-il que ses vêtements sales se lavaient seuls, se repassaient par miracle et revenaient dans l'armoire par l'opération du saint esprit. Comme elle s'y attendait, Anthony avait oublié quelques petites choses. Avec jubilation, la jeune femme souleva du bout des doigts une cravate qu'elle identifia comme la préférée de son propriétaire.
— Voyons, que vais-je en faire ? murmura-t-elle, prise d'un fou rire irrépressible. Lancer de nouveau ses affaires par la fenêtre risquait d'être un peu répétitif, elle avait toujours été fière de son imagination débordante. Thaïs se saisit d'une paire de ciseaux et entreprit de découper la cravate en gloussant. Puis, elle s'appliqua à cisailler les autres vêtements, en particulier les caleçons. Elle mit le tout dans un sac qu'elle ferait porter chez Laura avec un petit mot amical. Elle se considérerait alors comme définitivement vengée de l'affront que ces deux-là lui avaient fait subir. La jeune femme se dirigea ensuite vers la cuisine et se laissa tomber sur une chaise, un bol de glace au chocolat à la main. La vie lui semblait belle, soudain. Elle décida d'ouvrir une bouteille de champagne pour fêter sa liberté retrouvée et le début de sa nouvelle vie – même si elle n'avait pas encore vraiment d'idée sur ce qu'elle allait faire ! Plantée devant son tableau, toujours placé devant la télévision, elle porta un toast.

Thaïs se réveilla en sursaut : la sonnerie stridente qui lui vrillait les oreilles venait du téléphone. Avec force grognements, elle réussit à le décrocher.
— Hello Thaïs, comment vas-tu ?
— Allô bonjour, qui est à l'appareil ? fit la jeune femme en gloussant.
Elle avait reconnu la voix de sa cousine Joanna, mais le champagne continuait à agir et elle se sentait d'humeur taquine. Un nouveau gloussement lui échappa.
— Thaïs ? Je rêve ou tu as bu ?
— Glace au chocolat et champagne au petit-déjeuner, c'est complètement décadent ! s'esclaffa Thaïs. Anthony et moi, c'est fini ! Vive la liberté !
— Oh ma chérie, que s'est-il passé ? Tu es sure que ça va ?
— Si tu savais ! Il couchait avec Laura, alors je l'ai viré, j'ai jeté ses affaires par la fenêtre, j'ai découpé sa cravate préférée en morceaux, et maintenant, je fête l'événement avec l'homme de mes rêves. Tiens, ça me fait penser, la cravate, c'est Laura qui la lui a offerte pour Noël. Je me demande s'ils couchaient déjà ensemble à l'époque ?
— Tu veux que je leur jette un sort ? Qu'elle attrape des verrues de partout ? Qu'il devienne impuissant ? Ou mieux, incontinent ? Je peux l'obliger à porter des couches jusqu'à la fin de ses jours, tu n'as qu'un mot à dire !
— Pas de magie, grogna Thaïs, soudain au bord des larmes. Je ne veux plus jamais entendre parler de magie.

Elle faillit faire demi - tour pour enfiler une robe de nonne quand le regard brûlant de Kieran se posa sur elle, la détaillant sans même chercher à être discret. Oui, elle avait mis une petite robe d'été plutôt près du corps et arrivant audessus du genou. Oui, elle avait pris la peine de se maquiller légèrement. Oui, elle portait ses jolies sandales argentées. Oui, elle avait pris un soin particulier à sa coiffure, domptant ses boucles rousses en un chignon souple. Mais rien de tout cela n'avait pour but d'attirer l'attention du fantôme. Ou si peu... une langueur traîtresse l'envahit comme il la parcourait des pieds à la tête, s'arrêtant sur ses chevilles fines puis sur son décolleté. Un regard rapide sur ce dernier lui confirma qu'il était tout à fait sage, mais elle sentit ses seins gonfler sous le regard appréciateur du Highlander. Oui, bon, elle était une femme après tout, se secoua-t-elle mentalement, et après ses déboires avec Anthony, il n'y avait rien de mal à vouloir tester son pouvoir de séduction.
— Ce n'est pas très gentil de me tenter comme cela, fit Kieran d'une voix suave qui fit courir des frissons le long de sa colonne vertébrale. Vous êtes tellement appétissante que je pourrais me jeter sur vous pour vous dévorer.
— Restez où vous êtes, et tout ira bien entre nous, riposta Thaïs, repoussant tant bien que mal les images explicites de Kieran en train de la dévorer. Rappelez-vous que je peux vous toucher. Je mords et je griffe, alors gardez vos distances.
Le sourire carnassier du Highlander lui fit prendre conscience de ce que ses paroles pouvaient avoir de provoquant.

— C'est important d'avoir un point de ralliement. C'est votre maison de famille, celle où les générations se succèdent, devina Kieran.
— La famille Addams, à côté des Kergallen, est une famille normale. Prépare-toi.

— Bon, puisque personne n'a l'air décidé à le faire, je me lance, fit soudain Azilis. Que portent vraiment les Écossais sous leur kilt ?
Un concert de rires étouffés salua la question. Tout le monde se tourna vers Kieran, dans l'attente de la réponse. Thaïs pinça les lèvres pour s'empêcher de sourire, ne sachant trop comment le Highlander allait prendre la question.
— La réponse est simple, dit-il avec un sourire ravageur. L'avenir de l'Écosse.
Des protestations s'élevèrent face à cette réponse qui n'en était pas vraiment une. Comme Kieran ne semblait pas décidé à se montrer plus précis, tous les regards convergèrent vers Thaïs, qui perdit soudain toute envie de rire. Elle se sentit rougir violemment et maudit son teint clair de rousse.
— Thaïs ? fit Azilis d'une voix trop suave pour être honnête. Tu connais la réponse, n'est-ce pas ?
— Sois gentille, ajouta Sélène, aie pitié de tes pauvres cousines.
— Si vous voulez vraiment savoir... commença Thaïs.
Elle se penchèrent toutes vers elle, attentives.
— Vous n'avez qu'à sortir avec un Écossais! acheva la jeune femme en éclatant de rire.
— Garce, fit Azilis avec affection. Joanna, tu ne pourrais pas créer un petit courant d'air qui soulèverait accidentellement un bout de tissu ?
— Et courir le risque de me mettre à dos un fantôme ? Tu plaisantes ! s'esclaffa l'interpellée en se levant. Je n'ai pas envie qu'il vienne me jouer de vilains tours en représailles.

— Salut Thaïs.
Un silence gêné s'installa quelques secondes, et elle en profita pour le détailler discrètement. Il était toujours joli garçon, mais son physique n'exerçait plus le moindre attrait sur elle. Sans parler de son caractère lâche et profiteur. À côté d'un Kieran McDougall, Anthony ne faisait pas le poids. Pauvre garçon, songea-t-elle avec un léger sourire amusé en prenant son verre.
— Tu avais l'air bien pensive, reprit finalement le jeune homme. Comment vas-tu ?
— Très bien.
— J'espère que la vie n'est pas trop dure pour toi.
Thaïs manqua s'étrangler en avalant de travers. Elle toussa, posa son verre et prit une serviette en papier, hésitant entre éclater de rire ou flanquer une gifle à cet abruti. Il s'imaginait vraiment qu'elle se languissait de lui ou avait-elle mal interprété sa phrase ? La situation devenait franchement amusante. Thaïs sentit le petit démon qui l'avait poussée à découper la cravate de son ex lui tapoter l'épaule. Il n'y avait rien de mal à continuer à se moquer de lui, n'est-ce pas ?
— Elle est beaucoup plus facile maintenant que je n'ai plus de cafard dans mon appartement, dit-elle enfin.
— Ah, je t'avais dit de te méfier de ces vieux immeubles, fit Anthony d'un ton docte, n'ayant visiblement pas compris qu'elle faisait allusion à lui.
— Oui, c'est tellement envahissant, ces petites bêtes, renchérit la jeune femme. C'est dingue, ça se servait dans mes placards, ça vidait mon réfrigérateur... j'ai l'impression de revivre !
— Les cafards venaient jusque dans ton frigo ? s'exclama Anthony, stupéfait.
— Il n'y en avait qu'un seul, précisa malicieusement Thaïs. Mais alors, il prenait une de ces places !
— Je vois.
Anthony s'était rembruni, ayant enfin compris qu'elle se moquait de lui.

— Sais-tu quelle est la première chose que je ferai une fois redevenu moi-même ? demanda soudain Kieran en appelant mentalement une pierre à sa hauteur avant de la projeter dans l'eau, où elle effectua trois rebonds avant de sombrer.
— Tu iras boire une bière ? répondit Thaïs, masquant sa détresse soudaine du mieux qu'elle put.
— Ça, je peux déjà le faire, répondit Kieran en lui jetant un regard aigu.
— Pas sans me tenir la main.
— J'adore te tenir la main.
Elle fit mine de ramasser une pierre à son tour pour se donner le temps de se composer un visage serein.
— Alors, que feras-tu une fois libéré ? se força-t-elle à demander avant de lancer la pierre dans l'eau avec une telle maladresse que celle-ci, au lieu de ricocher, sombra avec un plouf retentissant.
— Je t'emmènerai dans la première chambre que je trouverai pour te faire l'amour.
— Mais ça aussi, tu peux déjà le faire.
— Ça sera différent, et ça change tout.
Elle leva les yeux vers lui, perplexe. Sa haute silhouette se découpait sur le ciel gris. Il était si beau, et tellement plus encore, qu'elle en eut le souffle coupé.
— En quoi est-ce que ça sera différent ?
— Je ne serai plus le type invisible qui t'a forcée à l'aider parce que tu étais la seule à le voir.
— Je ne comprends toujours pas, avoua Thaïs.
— Tu crois vraiment que je vais partir, une fois libéré ? demanda-t-il d'un ton farouche en l'attrapant pour l'attirer contre lui.
— Je n'en sais rien, murmura la jeune femme.
— Si tu crois que je reste par obligation, ou que je te fais l'amour faute de pouvoir le faire à une autre femme, tu es stupide, lass. Je ne te laisserai pas partir, et je compte bien rester avec toi. À moins que tu m'ordonnes de m'en aller, ajouta-t-il après un silence.
— Pourquoi donc voudrais-tu rester avec moi ? insista Thaïs.
Il la contempla de ses yeux bruns, dans lesquels il était si facile de se perdre, sourit, railleur.
— Tha ghoal agam ort, Thaïs, fit-il en déposant un baiser sur ses lèvres.
— Qu'est-ce que ça veut dire ? s'enquit Thaïs.
— C'est la réponse à ta question, sourit Kieran, taquin.
— Sauf que je n'y comprends rien. Je te rappelle que je ne parle pas le gaélique.
— Tu es une femme intelligente, lass. Réfléchis un peu, je suis sûr que tu finiras par comprendre.

Ah, manque de pot, il est immatériel grrrrrrrrr  --> forcément, pour un fantôme

bon, Thaïs est coupable de s'être contenté de ce niais d'Anthony et du ronron confortable de cette relation pépère

lignée matriarcale, les dons ne sont présents que chez les femmes de la famille

il va prouver à Thaïs toute l'étendue du pouvoir que celle-ci détient

et dont les précédentes œuvres avaient déjà eu plus que mon aval

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